Géraldine Lance, du style et de la manière
Corps enlacés, baisers sensuels, l’érotisme est au centre de la création de Géraldine Lance. L’artiste étudie le corps avec les yeux de l’esthète et le scrute avec les outils délicats du dentiste.
Elle ignore l’exacerbation de l’expression, rejette le naturalisme, se passe de la justesse et de la proportion de ses nus.
Elle invente une anatomie suggestive et lisse. Des œuvres comme, Rachel, Maman à bulles… Bas-reliefs travaillés et ciselés, peints et dépeints présentent l’aspect gourmand des petits pains. L’artiste place ses personnages aux corps graciles dans une mise en scène anecdotique et charmante.
Etrainte, Chaînes… procèdent d’une approche formelle plus sobre, plus approfondie et plus épurée : Ses corps évidés du poids d’une chair encombrante acquièrent une sophistication stylistique nouvelle.
La gestuelle, la simplification des bras et des mains dans l’œuvre blanche par exemple (en cours de réalisation) rappellent la sculpture traditionnelle extrême-orientale. Dans l’Arc, l’artiste suit la périphérie de l’étendue corporelle comme celle de la tige d’un coquelicot ou d’un brin d’herbe. Les seins en forme de palme de lotus évoquent les éléments floraux du chapiteau égyptien. Creusé dans le béton, le dessin joue ici un rôle primordial. C’est dans cette disposition particulièrement graphique empreinte d’une sensibilité à fleur de peau que l’artiste recrée le corps érotique.
Les visages comptent à peine. A-t-elle longuement regardé l’imagerie érotique décorant les parois bicolores de la céramique grecque ?
Dans plusieurs de ses œuvres Géraldine Lance semble suivre la logique inspirée et intuitive du corps sans visage dont le charme et la beauté exaltent le plaisir. L’émotion d’un tel regard sur le corps, les grecs anciens en avaient l’habitude : « Que penses-tu de ce garçon Socrate ? N’a-t-il pas une belle figure ? Et bien s’il consentait à se dévêtir, tu ne ferais plus attention à son visage, tant ses formes sont parfaites .» Écrit Platon dans Charmide, l’un de ses premiers dialogue dédié à l’amour.
Ses linogravures affirment sa maîtrise technique et la liberté d’interprétation de son sujet. Les organes prennent des proportions ludiques et joyeuses : Déformations bombastiques, répondent aux expressions filiformes enclenchant une écriture originale, extravagante, décorative, raffinée, bavarde, mouvementée et légère.
Une certaine préciosité est également développée dans le traitement de ses personnages inscrivant les silhouettes de Géraldine Lance dans la lignée des corps maniérés, allongés, tirés, filés rappelant les mondaines peintes par Kees Van Dongen.
Indépendamment de toute signification existentielle, ces silhouettes désincarnées, véritables inventions stylistiques acquièrent une valeur d’exposition pure. La manière volontairement esthétisante de la sensualité érotique est de connivence avec l’esprit frondeur, libre et printanier de l’art déco des années 30.
Ileana Cornea mars, 2011