Guy Béraud, Les caprices de l’âme
L’artiste qualifie sa peinture de « caprices de l’âme ». Si le mot caprice est souvent employé pour caractériser les exigences obstinées d’un enfant, les velléités de la femme comme les Caprices de Marianne dans la pièce d’Alfred de Musset, il désigne aussi la satire la plus noire à l’adresse de l’ âme des êtres humains, les Caprices de Goya.
De l’italien capriccio : tête frisée, hérissée qui vient probablement, nous dit Le petit Robert, du latin caper, bouc, chèvre, animal dont les actions imprévisibles et fantasques donnent du fil à retordre aux bergers, il nous ramène à « l’œuvre d’art inspirée par le génie et s’écartant des règles ordinaires », c’est-à-dire, au baroque.
Et voilà où je voulais en venir, en parlant des œuvres capricieuses de Guy Béraud : Passer du coque à l’âne ce n’est pas pour conter fleurette mais pour nous mettre la puce à l’oreille et l’œil en main, nous mettre sur la voie, car c’est un peu de cette manière que s’adresse à nous l’œuvre de Guy Béraud.
On assiste à des scènes tumultueuses, des personnages en effervescence. On se croirait dans les rues étroites des bourgs surpeuplés où des portes obscures et ouvertes nous invitent à suivre ses locataires qui sont en train de rentrer et sortir, comme s’ils étaient toujours pressés. Nous sommes entre un quotidien fantasque, et une poésie Rabelaisienne. La sensualité, l’extravagance, la gourmandise, l’exagération et la déformation naissent par excès de vitesse. Nous avons l’impression que Guy Béraud ne s’arrête jamais de dessiner.
Son coup de crayon extravagant emprunte à la bande dessinée une certaine légèreté dans le rendu. Pour l’abondance des scènes et les attitudes en pleine action des personnages, il s’inspire des illustrations de Gustave Doré.
Mais comme tout son petit monde est presque méconnaissable car ces personnages sont bien trop entortillés dans leur enveloppe organique, ficelées comme des rôtis, ils échappent à la simple illustration. Son dessin développe un maniérisme spectaculaire et expressif.
Les différents espaces qu’il sait rendre dans sa création, comme une sorte de trompe œil de facture bien baroque, il les obtient grâce à un clair obscur simple et efficace, grâce aux rapports mesurés entre les blancs et les noirs. Si sa peinture bavarde sans cesse, elle le fait sourdement. Comme des antibruit subtils, les couleurs terre empêchent la propagation du vacarme.
Dans ses œuvres, Guy Béraud rend visible la charge des pensées et des émotions qui l’habitent. Dans ses nus, qu’il intitule avec humour Nu vainqueur, Nu agité, Nu fatigué… C’est comme s’il commentait à sa façon les images traditionnelles de l’histoire de l’art. Dans des œuvres qu’il intitule Frustration, Liberées, Dédoublement de personnalité… Il observe les fluctuations de l’âme humaine. C’est curieux, mais le côté tragique de la vie est occulté, malgré cette manière très caricaturale d’interpréter le corps humain.
Par contre dans quelques-uns de ses dessins, il pointe une allusion à l’inquiétude. Non seulement dans ceux où le titre est parlant Expression d’un doute, Peur de la vérité, Noyade … Mais aussi dans, Dos Gratté, Samo Trace. Ses traits de crayons rappellent certains dessins de l’artiste expressionniste, Stani Nitkowski. Le monde plus intériorisé plus inquiétant, plus profond qui nous touche.
Ileana CORNEA, février 2009