MICHEL CHARMASSON Scanographe de l’émotion
Michel Charmasson se dit peintre de l’instant : l’écu est mon bouclier, le support de mes pictogrammes, de mes pensées, de mes émotions et de mes réflexions, il est aussi mon défenseur devant tant de paroles vides de sens.
Des couleurs mélangées sur la toile, des tracées qu’il obtient à la spatule. Parfois sombres : Onde Marine. D’autrefois très sophistiqués.
Je fais des bandes parce que j’aimerais peindre comme Vélasquez disait Franck Stella. Contrairement au peintre américain, Michel Charmasson obtient lui aussi des étendues de couleur, mais qui ne sont pas des bandes à programme. Il reste dans l’intime, au plus prés de lui-même. Rien n’est plus vrai que la trace, la sienne propre, radiographie embuée de ses émotions. Il laisse vibrer les transparences, la couleur cache des surprises, des petites anomalies, des inflammations enflammées, des colères sourdes dit l’artiste.
Sous une de ses acryliques sur papier daté d’avril 2007 il inscrit trois mots: Sérendipité, Fortuité et Cinghalisme, mots étranges. Pour trouver des éclaircissements sur la démarche de l’artiste, il faut déchiffrer leur portée : Dans son livre intitulé Imaginaire, science et discipline, Olivier Soubeyran en donne une définition, qu’il emprunte à l’historien suisse André Corboz .
Trouver une chose en cherchant une autre, l’anglais nomme ce phénomène serndipity depuis le XVIII siècle. Le terme n’as pas d’équivalent en français bien que la notion paraisse chez La Fontaine, chez Diderot, chez Gide. Comme il vient de Serendip, ancien nom de Ceylan, j’ai proposé de le rendre par cinghalisme. L’erreur positive, le hasard, la bifurcation, l’impasse, la dérive rendent le sujet actif, imposent un tracé non déterminé, ouvrent la démarche à l’imprévu permettent d’éviter la tautologie insidieuse présente dans toute confirmation bien bouclée.
Je suis un optimiste écrit Michel Charmasson. Il traque la température de ses perceptions, émotions, contradictions, interrogations.
Ses instruments sont les spatules en tout genre, peigne, chiffon. C’est ainsi qu’il obtient des effets de fluidité et de dynamisme. Ses embruns de couleur, giclures, il les canalise à l’intérieur de ses tracés, de ses empreintes en forme d’écu en amande, de gouttelettes liquides qu’il étale, en leur donnant une impulsion gestuelle, colorant, fixant ainsi l’instant : Perceptions sensitives.
Dans Relations intimes, les raies, jaune sur rose, acidulées, bleues aquatique, rouge électrique ressemblent à des sérigraphies. On les compare avec les icônes pops de Marilyne. Il y a du tonus de la gaîté, du jazz. Dans le diptyque intitulé l’Empathie les deux panneaux communiquent par des volutes blanches comme de la buée. Dans Humeurs du jour, les bandes transparentes et fluides, couleurs douce et chaudes se croisent et dansent.
Plus empâtées, serrées, des toiles comme Structure, Boder Line gardent cependant un côté musical, un peu comme chez Riopelle. Le format très allongé fait l’originalité d’une œuvre comme Baïnes. Elle reste traditionnellement figurative même si ces bâches naturels qui se forment sur le littoral une fois que la mer se retire correspondent à un état d’âme très humain.
En 2007 Michel Charmasson fait la connaissance des œuvres de Cy Twombly. Il en est bouleversé. L’artiste américain écrit la peinture.
Dissiper, dématérialiser, scanner l’émotion, c’est écrire.
Ileana Cornea, avril 2011