Claude Doussineau, La couleur qui ondule
« Les couleurs sont les actes et la souffrance de la lumière » écrivait Goethe. Elles naissent de l’obscurité pensait-il contre Newton. Le poète avait raison. Des générations d’artistes connaissent ses écrits. Comme eux, Claude Doussineau peint la vitalité de la couleur entre l’obscurité et à la lumière.
Dans ses œuvres, on ne trouve pas de figures, ni de contours définis. Il brosse les souffles chromatiques porteurs de dramaturgie poétique, d’harmonie, et d’émotion.
Le peintre explore l’intensité dynamique de la couleur. Dans son œuvre intitulée « Cheminement », les couleurs brûlent se prélassent et fondent.
Dans « Clef sol en d’eau majeur » elle sont toniques. Les verticales, telles de froides stalactites opposent leur glaciale gravité bleue à l’afflux des couleurs chaudes de l’automne.
Dans « Au cœur de l’énergie », on croirait suivre la trajectoire d’un astre en train de s’éteindre dans l’infini impénétrable qui l’a engendré.
Dans « Pâque en Décembre », des formes émergent comme des rochers mordus par le vent dans le désert. Un paysage cotonneux, mélancolique, halluciné, rêvé fait son apparition comme l’Aurore aux doigts de rose dans l’espace mental de l’Odyssée.
Dans « Antique émotion », le rouge est trouble comme la profondeur de la mer. Diffuse et longiligne, une forme d’un vert lumineux vacille, telle une algue au fond de l’eau.
Dans « Melody in blue », le bleu ondule ses teintes, évoquant les sons profonds de l’orgue.. Des jaunes aigus, éclatants de jeunesse se laissent adoucir, en devenant verts foncés et sages On songe aux iris bleus, la fleur prismatique de Van Gogh.
Claude Dussineau dévoile la nature cinétique de la couleur. Il connaît ses tendances à l’intensification, à la saturation, à l’obscurcissement. Il peint les métamorphoses de couleurs primaires, leur combinaison, leur opposition. Leur disparition, dans le jaune presque blanc, proche de l’écume marine de sa toile intitulée « Scwa blue ». Elle nous rappelle à la réalité : Une ligne médiane semble séparer le ciel de la mer. Le ciel est en feu, rouge, tourmenté, menacé d’être enveloppé par l’obscurité de la nuit. Les bleus transparents, le cyan léger, évoquent l’eau aigue marine de l’Océan Indien. Ni le blanc ni le noir ne sont traités pour eux-mêmes. Les couleurs naissent les unes des autres, comme l’arc-en-ciel après la pluie.
Agnostiques, les couleurs murmurent quelque chose sur la nature solaire du feu, du poids sombre de la terre, de la liquidité et de la transparence de l’eau, des effets dynamiques du vent. Comme Turner, l’artiste réunionnais semble leur donner une pression atmosphérique.
Les analogies entre les éléments de la nature et la vibration de la couleur en peinture sont destinées directement à l’âme pensait Kandinsky.
Ainsi évoqués, le monde minéral, le monde cosmique, les quatre éléments trouvent leur écho dans les humeurs de l’être.
La couleur raconte, la couleur soigne, réveillant en nous les rapports primordiaux qui nous lient à la nature : « La terre est bleue comme une orange … » chantait Paul Eluard en pensant la beauté du visage rond, des cheveux blonds et yeux d’azur de la femme qu’il aimait.
« Laissez vous aller à la simple contemplation, laissez venir les émotions… » dit Claude Doussineau, nous invitant à faire la connaissance avec sa peinture que l’on regarde, comme les nuages qui changent en passant.
Ileana Cornea, décembre 2010