Savador DALI – La tentation de Saint Antoine
Découvrons la maîtrise technique du peintre Salvador Dali à laquelle se mêle une peinture métaphorique, énigmatique et troublante, en accord avec sa personnalité extravagante et provocatrice.
Marion Kling vous propose ici de découvrir ce tableau : « La tentation de Saint-Antoine », exposé aux musées royaux des Beaux-Arts à Bruxelles.
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Texte intégral du commentaire, par Marion Kling :
Salvador Dali, « La tentation de Saint-Antoine »
La Tentation de Saint-Antoine est une huile sur toile du peintre espagnol Salvador Dali. Elle date de 1946 et se trouve aux musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, à Bruxelles.
Avant de vous plonger dans cette œuvre, il est important de la resituer dans son contexte, celui du mouvement surréaliste, qui a bouleversé les codes de l’histoire de l’art dans les années 1920 et 1930. À une époque où l’on prône un retour à la figuration classique, les artistes surréalistes apparaissent comme révolutionnaires. Ils renversent la tradition picturale au profit d’une imagerie singulière, qui renvoie notamment aux peintures étranges et visionnaires de Jérôme Bosch, Archimboldo ou Gustave Moreau.
Le Premier Manifeste du Surréalisme, publié en 1924 par l’écrivain et poète André Breton, en donne la définition suivante : « dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique et morale. » En somme, le Surréalisme cherche à dépasser la toute puissance rationnelle, en favorisant l’automatisme de la pensée.
C’est donc un art psychanalytique, qui se réfère aux théories freudiennes et revendique la mise en valeur des pulsions refoulées, et de tout ce qui est réprimé par la société, comme l’étrange, l’érotique, le repoussant… Symbolistes et subjectives, les créations surréalistes offrent une vision du monde surgie de l’inconscient ; elles reflètent les sentiments personnels et les images mentales de l’artiste.
Venons-en désormais à l’auteur de la toile que vous observez. Dali intègre le groupe des Surréalistes en 1929. Il se consacre à une peinture métaphorique, énigmatique et troublante, en accord avec sa personnalité extravagante et provocatrice. Mais le plus frappant, chez cet artiste, réside dans le contraste entre son univers délirant, fantasmatique, et une maîtrise technique irréprochable, empruntée aux maîtres classiques.
La peinture que vous avez sous les yeux en offre un parfait exemple. Saint Antoine y figure dans le désert d’Egypte, agenouillé et brandissant une croix pour se protéger des tentations qui l’assaillent. Ces plaisirs terrestres, envoyés par le Diable, prennent la forme de créatures chimériques symbolisant la luxure.
Le cheval géant et cabré incarne tout à la fois la force de la maturité et la fougue de la jeunesse, le pouvoir et la virilité. Perchés sur d’immenses pattes arachnéennes, les éléphants portent divers symboles liés à la sexualité : tantôt une odalisque voluptueuse, dressée sur une coupe de luxure, tantôt un obélisque d’or, symbole de richesse et de profusion. Un peu plus loin, on perçoit un buste de femme nue, prisonnière d’une maison dorée surmontée des trompettes de la renommée ; À l’arrière-plan, un monolithe phallique perce les nuages, créant une passerelle entre plaisir terrestre et spiritualité. Les éléphants semblent en lévitation du haut de leurs pattes gigantesques, qui relient l’homme tourmenté aux forces qui le surpassent, à la fois divines et démoniaques.
De toute évidence, le tableau de Dali conjugue érotisme et religion, charnel et spirituel. Mais il les oppose également, dans cette scène d’une terrible tension, où Saint Antoine apparait dans toute sa faiblesse, seul et dépouillé, luttant contre ses démons.
Peur, désir et pulsions érotiques, rêve et mysticisme : ce tableau convoque les différents thèmes chers à Dali. Son exubérance insolite, mêlée d’une forte dimension religieuse, confèrent au maître catalan un style unique et inimitable.
Dali – La tentation de Saint-Antoine