Claude MONET
« Le Baiser » d’Auguste Rodin figure en bonne place dans notre encyclopédie sonore qui mêle courants artistiques du XXè siècle, artistes majeurs de l’histoire de l’art, et artistes d’aujourd’hui que nous aimerions vous faire découvrir.
Lauranne Corneau vous invite à écouter cette expression la plus aboutie d’un thème éternel et universel, l’amour…
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Texte intégral du commentaire, par Marion Kling :
Les Nymphéas de Monet
La peinture à l’huile que vous avez sous les yeux est l’une des multiples représentations du Bassin aux nymphéas que Monet réalisa au cours des trente dernières années de sa vie, entre 1895 et 1926.
Monet a été le chef de file du mouvement impressionniste, dont l’appellation provient de son tableau, Impression, soleil levant, réalisé en 1872. Dans le sillage du fameux Déjeuner sur l’herbe de Manet, présenté dix ans plus tôt, la toile de Monet fait scandale lors de la première exposition du groupe impressionniste, en 1874. On reproche à l’artiste sa touche fragmentée, ses contrastes de couleurs violents et son dessin approximatif. En somme, un manque de réalisme.
Cette toile échappe tout simplement aux conventions de l’époque.
Monet, tout comme ses compagnons Pissarro, Cézanne ou Renoir, se libère des canons académiques et de la représentation classique. Ses figures se réduisent à des silhouettes synthétiques, souvent anecdotiques.
L’intérêt principal porte sur les sensations induites par la beauté du paysage. Initié par les peintres de l’Ecole de Barbizon, le plein-airisme, ou « peinture sur le motif », devient une constante chez les Impressionnistes : ils quittent l’atelier pour s’installer en pleine nature avec chevalet, pinceaux et tubes de couleurs. La photographie, qui se développe à cette époque et nécessite une grande spontanéité d’exécution, marque alors son influence : l’objectif est de traduire l’impression fugitive d’une nature toujours changeante, tel un cliché pris sur le vif.
Afin de capter ces instants éphémères, Monet peint le plus souvent en série : multipliant les versions d’un même motif, il peut en exprimer les variations atmosphériques, suivant les saisons et les différentes heures du jour. Les Meules, Les Peupliers, La Cathédrale de Rouen, ou La gare Saint-Lazare, constituent des thèmes privilégiés. La série la plus illustre est sans doute celle des Nymphéas, qui regroupe environ 250 œuvres.
L’artiste est alors installé à Giverny, en région parisienne, où il passe les trente dernières années de sa vie. Il y crée un jardin paradisiaque, inspiré des jardins japonais, avec pont et plantes aquatiques évoquant les estampes d’Hokusai. L’étang et ses nénuphars nacrés deviennent la source d’inspiration principale du peintre. Monet a toujours manifesté, du reste, une prédilection pour les sujets aquatiques : on lui connait de nombreuses représentations des bords de Seine à Argenteuil, dans les années 1870.
Le peintre use d’une touche « divisionniste », qui consiste à fragmenter la couleur en petites touches distinctes, juxtaposées en aplat. Cette facture frémissante permet de traduire le mouvement, les vibrations de l’eau et les reflets lumineux. Monet ose également des ombres bleues, parfois nuancées de mauve, donnant un éclat plus intense à la lumière. Souvent monumentales, les toiles représentant le bassin aux nymphéas désorientent le spectateur : la ligne d’horizon n’est plus ; les plantes sont à peine reconnaissables.
En réalité, le sujet importe moins que la manière de le représenter. On peut même affirmer qu’il tend à disparaître, et que Monet évolue vers l’abstraction au profit de la peinture pure. La primauté est enfin donnée à l’émotion personnelle, à la subjectivité de l’artiste.
En cela, l’œuvre de Monet revêt une importance capitale dans l’histoire de l’art. Affranchie des normes académiques, elle a opéré une révolution esthétique sans précédent, et ouvert à la modernité. Son influence a franchi les frontières et les époques, jusqu’aux Expressionnistes abstraits américains de l’après-guerre, et même aux créateurs actuels.