Vassily KANDINSKY – Jaune – Rouge – Bleu
Souvent cité comme un tableau exemplaire de l’art abstrait, « Jaune-rouge-bleu » peint en 1925 marque un tournant décisif dans l’oeuvre de Kandinsky. Marion Kling vous raconte son hstoire.
Cliquer sur le bouton rouge pour lancer le commentaire audio.
Merci de réagir après l’écoute : votre avis est important pour nous
Inscrivez-vous gratuitement à l’Encyclopédie sonore des Arts Visuels
Pour vous inscrire gratuitement à l’Encyclopédie sonore des Arts Visuels, merci de nous laisser votre Email dans le formulaire ci-dessous :
Faites découvrir l’Encyclopédie sonore des Arts Visuels à vos amis
Il vous suffit de saisir l’Email de l’une de vos connaissances pour lui envoyer une invitation à découvrir l’Encyclopédie des Arts Visuels. Aidez-nous à faire progresser cette aventure passionnante.
Texte intégral du commentaire, par Marion Kling :
Vassily KANDINSKY – Jaune – Rouge – Bleu
Cette huile sur toile, intitulée Jaune-Rouge-Bleu et datée de 1925, est l’une des œuvres les plus emblématiques de Vassily Kandinsky. Pour mieux en comprendre les fondements, penchons-nous sur le parcours de ce peintre d’origine russe, établi en Allemagne puis en France, et qui fut le chef de file du mouvement « Der Blaue Reiter » dans les années 1910.
C’est en 1895 que Kandinsky reçoit son premier choc artistique, face à une Meule de Claude Monet ; il est ébloui par la puissance de ses couleurs, sans toutefois en percevoir le sujet. Plus tard, en 1908, l’une de ses propres toiles disposée à l’envers le fascine. Kandinsky comprend dès lors que le motif lui est secondaire : sa peinture doit avant tout provoquer une sensation, indépendamment du réel.
Il réalise en 1910 sa première aquarelle abstraite, également considérée comme la première œuvre non figurative de l’histoire de l’art moderne. Kandinsky découvre avec les couleurs, les lignes et la matière, un « langage pur qui s’adresse à l’âme. » Ses tableaux sont désormais le reflet d’une émotion, d’une expérience intime, qu’il qualifie de « nécessité intérieure ».
Dans les années 1910, il nomme ces toiles « Impressions, Improvisations et Compositions ». Celles-ci entrent en résonance avec la musique ; pour Kandinsky en effet, teintes et sonorités vont de pair : le jaune lui évoque par exemple un son aigu ; les blancs et noirs sont perçus comme des silences. Dans ses tableaux, Kandinsky recherche le rythme, l’équilibre, l’harmonie ou, au contraire, la dissonance. Couleurs et formes doivent établir une correspondance, un dialogue musical agissant directement sur nos sens.
À chacune des couleurs, l’artiste attribue en outre une valeur psychique :
Le blanc, et toutes les couleurs claires, évoquent la naissance et la vie. Le jaune est la couleur chaude par excellence, celle de la lumière. Elle se déploie largement sur la surface de la toile. Typiquement terrestre, elle s’oppose au bleu céleste et mystique, froid et cérébral. Quant au rouge puissant, « il déborde d’une vie ardente et agitée », s’opposant au vert paisible. La couleur représente le vrai sujet de l’œuvre. Son intensité, ses nuances et ses vibrations donnent vie à la peinture.
Analysons l’œuvre Jaune-Rouge-Bleu, réalisée en 1925, à une période d’intense production pour Kandinsky. Il est alors enseignant au Bauhaus de Weimar, une école d’art et d’architecture. Les éléments géométriques revêtent dans sa peinture une importance grandissante. Jaune-Rouge-Bleu apparaît comme une toile significative, qui applique précisément les théories de l’artiste sur la disposition relative des formes, des lignes et des couleurs.
Au sein de l’espace pictural, flotte une myriade d’éléments : Kandinsky joue à la fois sur les dégradés, l’opposition des complémentaires, les divergences formelles, les superpositions et la transparence. La couleur éclate, la lumière se répand. La composition a l’air complexe, tant elle fourmille de détails et de nuances. En réalité, elle est parfaitement réfléchie et repose sur l’articulation des trois couleurs primaires, qui définit un contraste fondamental entre la partie gauche et la partie droite de l’œuvre.
À gauche, le jaune chaud, léger et lumineux, affronte le bleu sombre, froid et dramatique de la moitié droite. Ces teintes s’accompagnent de lignes et de formes qui ne sont pas choisies au hasard : au jaune aigu et agressif, Kandinsky attribue des lignes précises et fines, géométriques et anguleuses ; au bleu mystique et plus en retrait, il associe des formes libres et arrondies, ainsi qu’une épaisse ligne serpentine.
Derrière les transparences d’éléments biomorphiques et de damiers colorés, une croix rouge assure la transition entre les deux polarités du jaune et du bleu, certes opposées, mais aussi complémentaires.
On peut lire dans cette œuvre majeure la rencontre du soleil avec la lune, ou encore une allégorie des sens, avec l’œil jaune projetant son regard vers la gauche, et l’oreille bleue absorbant le rayonnement des sons.
Mais le mieux est encore d’oublier toute référence au réel pour se laisser transporter par l’émotion. L’abstraction initiée par Kandinsky a libéré le regard et ouvert la voie à une peinture sensible, affranchie du sujet. Par leur élan cosmique et hautement spirituel, les toiles du maître ont fortement inspiré l’Abstraction Lyrique dans les années 1950… et leur poésie intemporelle continue à nous éblouir.